L'ENVERS DE LA MEDAILLE...
Amis du crétacé supérieur et du ragoût d'alligator réunis, bonjour !
Cela pourrait s'intituler: « Tes médailles, si tu savais où on s'les met ». C'est l'histoire d'un ancien combattant qui se souvient que le programme du Conseil National de la Résistance était articulé autour de quelques mots aujourd'hui bien mal en point. Liberté, égalité, fraternité, solidarité, laïcité, tolérance... Il écrit au président de la République pour lui expliquer son refus d'un diplôme d'honneur.
Monsieur le Président,
Je
reçois, aujourd'hui, une lettre de Madame le Maire de Saint-Ismier,
m'informant que le Président de la République a sollicité tous les
Maires afin qu'ils remettent le «Diplôme d'Honneur aux Combattants
de la Deuxième Guerre Mondiale».
Cette lettre se poursuit par
une invitation à une réunion au cours de laquelle me sera remis
officiellement mon diplôme.
Cela m'a paru si grotesque que
j'ai tout d'abord cru à un canular mais, à l'examen, il s'agissait
bien de ce que je lisais. Alors je me suis demandé à quoi peut bien
servir un tel document :
- A attester que j'ai réellement
combattu pour mon pays ? J'ai dans mon bureau mon Livret
Militaire.
Il y est inscrit que je me suis présenté le 6 janvier
1944 en vue de contracter un engagement pour la durée de la guerre
au sein de la 2ème D.B. connue sous le nom de Division Leclerc en
formation à l'époque au Maroc.
Il y est aussi précisé que j'ai
effectivement et activement participé à toutes les campagnes de
cette unité jusqu'à la fin des combats en Europe et même au delà.
En effet, je me suis porté volontaire pour continuer la lutte en
Extrême Orient, le Japon étant encore en guerre à ce moment là.
Après la défaite nippone j'ai été intégré malgré moi dans
le corps expéditionnaire pour l'Indochine. Au bout du compte je me
suis retrouvé pendant presque quatre ans sous les drapeaux.
-
Alors quoi ? Une récompense ? Elle ne saurait être comparée aux
distinctions qui m'ont été décernées, je veux parler de la croix
de guerre et de la Presidential Unit Citation. De toute façon je ne
cherche nullement à en tirer gloire, je n'ai jamais porté ces
décorations et peu de gens savent qu'elles m'ont été décernées.
A
la réflexion, j'ai compris l'utilité de ces hochets distribués en
votre nom. Vous espérez qu'ils vous rapporteront quelques milliers
de voix supplémentaires aux prochaines élections ! Faut-il que vous
vous sentiez en mauvaise posture pour ratisser aussi large ? Ce que
vous ignorez, c'est que pour les quelques vieux combattants de cette
époque encore en vie, tout ce qui compte c'est d'être en paix avec
leur conscience. Sachez, monsieur le Président, que vos fausses
distinctions leurs sont indifférentes. Alors, monsieur le Président,
le bout de papier que vous allez faire distribuer, n'a pour moi
aucune valeur et je n'en veux pas.
Je n'en veux pas parce qu'il
est distribué dans l'espoir de consolider une politique que je
trouve néfaste. Et elle est néfaste parce que c'est une politique
de division, de rejet et d'asservissement. C'est la politique du fort
contre le faible, des financiers contre les citoyens. C'est la
politique de la suspicion permanente. Elle commence à trop
ressembler, cette politique, à celle que je partais combattre le 6
janvier 1944, à 18 ans en revêtant l'uniforme de la 2ème D.B.
Pour
toutes ces raisons, je ne me rendrai pas à l'invitation qui m'est
faite par le maire de Saint-Ismier et je continuerai mon combat
contre les forces et les hommes qui menacent notre laïcité et notre
démocratie, jour après jour.
Je vous adresse, monsieur le Président, les salutations que m'impose votre fonction. Et, c'est signé:
Ex-soldat de 1ère classe René HEITZ
Voila, c'est un peu long mais ça méritait d'être souligné. Je ne connais pas ce vieux monsieur mais il a toute mon amitié et tout mon respect. Allez, portez vous bien et à demain peut-être.